Santé

Le kératocône : une maladie souvent sous diagnostiquée

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Qu’est ce que le kératocône ?

Le Kératocône est une maladie dégénérative caractérisée par une déformation bilatérale non inflammatoire progressive de la cornée.  Cette dernière s’amincit progressivement et perd sa forme sphérique pour prendre petit à petit la forme d’un cône, entrainant une dégradation de la qualité de vision plus ou moins importante selon le stade de sévérité de la maladie.

L’amincissement de la cornée se produit dans la cornée centrale ou paracentrale, le plus souvent dans la région inféro-temporale.

L’incidence du kératocône est de 1,5 à 25 cas pour 100 000 personnes par an. La prévalence moyenne dans la population mondiale est évaluée à 1.38/1000, mais elle varie de 0.17/1000 aux USA à 40/1000 en Iran. Nous n’avons pas d’études épidémiologiques pour la Tunisie mais les chiffres paraissent plus importants que la moyenne mondiale.

Il survient surtout chez les individus âgés de 20 à 30 ans.

L’évolution est souvent bilatérale mais asymétrique, pouvant ainsi retarder le dépistage.

Quelles sont les causes du kératocône ?

Le principal facteur de risque lié au développement et à la progression du kératocône, est le frottement pathologique des yeux  (allergies, atopie, sécheresse lacrymale, utilisation intensive des smartphones et des écrans).

La majorité des cas de KC sont sporadiques, mais 6% à 23% des patients atteints ont une histoire familiale de KC, avec une transmission de profil plutôt autosomique dominant.

En effet, les apparentés au 1er degré de patients KC ont un risque de 15 à 67 fois plus important de développer un KC par rapport à la population générale.

La prévalence  du kératocône est plus élevée chez les patients atteints de Trisomie 21, de  Maladies du tissu conjonctif (Marfan…), d’amaurose congénitale de Leber, de maladie des paupières flasques ou d’atopie.

 Quels sont les signes permettant d’évoquer le diagnostic de Kératocône ?

Le dépistage précoce du kératocône est d’une importance cruciale pour une prise en charge efficace de cette affection oculaire.

Les premiers signes qui peuvent alerter l’ophtalmologiste sont :

  • Un astigmatisme et /ou une myopie qui évolue rapidement d’une consultation à une autre.
  • Une déformation des mires sur l’auto réfractomètre.
  • Une kératomètrie moyenne qui dépasse 46D.
  • Une meilleure acuité visuelle qui ne remonte pas à 10/10 chez un patient non connu amblyope.
  • Une asymétrie de vision entre les 2 yeux.
  • Un axe d’astigmatisme qui change de plus de 20° d’une consultation à une autre.

Ces signes doivent alerter le médecin traitant, et incitent à faire des explorations pour confirmer le diagnostic.

Dans la majorité des cas, le diagnostic est évident sur la lampe à fente. Un amincissement focal inférieur avec saillie conique déformant la fente lumineuse ou des opacités cornéennes peuvent être visibles.

Mais le diagnostic sera confirmé grâce à une topographie cornéenne. Elle  permet l’étude de la face antérieure, la face postérieure et l’épaisseur cornéenne en différents points. Les données sont représentées sous forme de cartes, pouvant être kératométriques pachymétriques et d’élévation (différence de hauteur de la face antérieure ou postérieure de la cornée analysée par rapport à des surfaces de référence).

Dans certains cas, des examens plus approfondis tels que la tomographie par cohérence optique du Segment antérieur de haute résolution (OCT-SA), peuvent être utilisés pour évaluer la structure cornéenne et donner plus de détails, surtout s’il existe des opacités empêchant l’accès aux couches profondes de la cornée. De plus, cette exploration permet de donner des cartographies de l’épithélium et du stroma cornéen ainsi que de guider une éventuelle adaptation en lentilles sclérales.

Quels traitements ?

Il est tout à fait possible de vivre avec un kératocône, même s’il n’existe pas de traitement miracle. Il y a différents moyens, selon le stade de la maladie et les symptômes, de maintenir une vision correcte.

Deux volets sont à différencier dans la prise en charge du malade :

  • Stabiliser la maladie si elle est évolutive.
  • Puis améliorer la vision.

Chez les patients jeunes, la maladie est généralement évolutive. Il est important de refaire la topographie cornéenne tous les 3 à 6 mois pour détecter le moindre signe d’évolutivité.

Chez les patients de plus de 35 ans, la maladie est, dans la quasi-totalité des cas, stationnaire. Mais une topographie est nécessaire de façon annuelle pour détecter le moindre changement.

Chez les sujets jeunes de moins de 20 ans ayant un stade évolué ou les sujets présentant des signes d’évolutivité, il est indiqué de faire un cross linking du collagène cornéen (CXL) afin de freiner la maladie.

Le risque de progression, même s’il est diminué, reste présent après la réalisation du CXL. Un suivi rapproché durant la première année est nécessaire pour évaluer le résultat post-opératoire, vérifier l’absence de progression et dépister d’éventuelles complications.

Les problèmes de vision peuvent être résolus grâce à l’utilisation de lunettes ou de lentilles de contact.

Cependant, lorsque les lunettes ne permettent pas d’avoir une bonne vision, la lentille rigide perméable à l’oxygène  devient nécessaire  pour avoir une acuité satisfaisante. Dans les cas où le kératocône a progressé de manière significative, des lentilles sclérales peuvent être proposées. Ces lentilles ont un diamètre plus grand et sont fabriquées sur mesure pour s’adapter à la forme de la cornée et de la sclère du patient.

Dans certains cas, la chirurgie devient nécessaire.

Les anneaux intracornéens (AIC) représentent une option chirurgicale peu invasive pour l’amélioration visuelle des patients. Ils ont pour but de modifier la géométrie cornéenne afin d’améliorer ses propriétés réfractives altérées par la maladie. Cette technique a montré, à travers les études, son efficacité dans l’amélioration des valeurs kératométriques, de l’équivalent sphérique, du cylindre, et de l’acuité visuelle sans et avec correction.

Après implantation d’AIC et stabilisation par CXL, on peut aussi proposer un traitement par laser excimer topoguidé afin d’améliorer encore plus la vision.

En dernier recours et  dans les stades très évolués de la maladie, la greffe de cornée transfixiante (toute la cornée)  ou lamellaire  (une partie de la cornée) est nécessaire afin d’améliorer la qualité de vie du malade.

Comment éviter un kératocône ?

Bien que dans 6% à 23% des cas,  le kératocône est lié à des facteurs génétiques et ne peut pas être complétement évité, certaines mesures peuvent être prises pour réduire le risque de le développer ou de ralentir sa progression.

Il est essentiel de minimiser le frottement des yeux (No rub, No Cone). Il est impératif de traiter une allergie oculaire chez les enfants.

De plus, adopter des habitudes oculaires saines, telles que prendre des pauses régulières lors de l’utilisation d’appareils numériques pour réduire la fatigue oculaire et la sécheresse lacrymale.

Les personnes ayant des antécédents familiaux de kératocône devraient faire l’objet d’un suivi régulier avec l’ophtalmologiste pour un dépistage précoce.

Si le kératocône est avéré, le patient doit être conscient du caractère chronique de la maladie, de l’absence de traitement curatif et du potentiel évolutif. La compréhension des enjeux de la prise en charge est essentielle pour obtenir l’adhésion au suivi régulier.

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